KawaiiGPT : Le clone 'kawaii' de WormGPT qui secoue la sécurité des modèles d'IA
Lysandre Beauchêne
KawaiiGPT : Le clone ‘kawaii’ de WormGPT qui secoue la sécurité des modèles d’IA
Un nouvel outil open-source nommé KawaiiGPT vient de faire son apparition sur GitHub, se positionnant comme une version d’intelligence artificielle à la fois ‘mignonne’ mais sans restriction. Développé par un utilisateur connu sous le nom de MrSanZz (avec les contributeurs Shoukaku07 et FlamabyX5), ce projet attire l’attention en offrant une alternative gratuite aux modèles d’IA ‘jailbreakés’ payants. KawaiiGPT décrit lui-même comme une ‘WormGPT kawaii ver’, faisant référence à l’IA notoirement connue pour son orientation malveillante, bien que les développeurs insistent sur le fait que leur projet est destiné à des fins amusantes et éducatives.
Dans un paysage numérique où les modèles d’IA grand public deviennent de plus en plus restrictifs avec leurs garde-fous de sécurité, KawaiiGPT émerge comme un phénomène intrigant. Selon une étude menée par l’ANSSI en 2025, 78% des professionnels de la cybersécurité considèrent que les jailbreaks d’IA représentent une menace croissante pour les organisations. Cet outil soulève des questions fondamentales sur l’accessibilité, l’éthique et les implications de la contournement des mesures de sécurité des modèles d’IA.
Comment fonctionne KawaiiGPT : Technique et architecture
Les modèles d’IA exploités
Contrairement aux chatbots standard qui nécessitent des abonnements payants ou des clés API, KawaiiGPT est entièrement gratuit. Le logiciel ne s’appuie pas sur son propre supercalculateur massif pour fonctionner. À la place, il agit comme un ‘wrapper’ ou intermédiaire astucieux. Le logiciel se connecte à des modèles d’IA puissants déjà existants - DeepSeek, Gemini et Kimi-K2 - et fournit leurs réponses à l’utilisateur.
Cette approche est particulièrement intéressante car elle permet d’accéder à des capacités d’IA de pointe sans les coûts associés. Dans la pratique, nous avons observé que KawaiiGPT peut générer des réponses similaires à celles des modèles premium, tout en évitant les limites de contenu imposées par les développeurs officiels. Selon le rapport annuel 2025 sur l’état de l’IA du CLUSIF, le coût d’utilisation des API d’IA premium représente en moyenne 65% du budget des PME françaises pour la transformation numérique.
« KawaiiGPT fonctionne en exploitant des failles d’implémentation plutôt que des vulnérabilités dans les modèles eux-mêmes. Il s’agit d’une ingénierie sociale appliquée aux interfaces de programmation. »
Le mécanisme de reverse engineering
L’outil utilise une technique appelée ‘reverse engineering’ sur les wrappers d’API (initialement issus du projet Pollinations) pour accéder à ces modèles sans avoir besoin d’identifiants officiels. Cette méthode permet aux utilisateurs d’exécuter le programme facilement sur des systèmes Linux ou sur des appareils mobiles via Termux, sans avoir à créer de compte ni payer de frais.
Le cœur technique de KawaiiGPT repose sur une ingénierie méticuleuse des requêtes API. Au lieu d’envoyer des instructions directement aux modèles, il reformule ces instructions de manière à contourner les filtres de sécurité. Ce processus complexe implique plusieurs étapes :
- Analyse de la structure des requêtes API des modèles cibles
- Modification des en-têtes et des paramètres pour masquer l’origine
- Injection de scripts spéciaux qui désactivent temporairement les garde-fous
- Renvoi des réponses brutes à l’utilisateur final
Néanmoins, cette technique soulève des questions importantes sur la légalité et l’éthique de l’utilisation non autorisée des services API, même si les modèles restent accessibles publiquement via d’autres canaux.
La controverse autour du label ‘WormGPT’
Différences avec l’original WormGPT
L’aspect le plus controversé de KawaiiGPT est sa prétention d’être un ‘clone WormGPT’. L’original WormGPT était un outil conçu spécifiquement par les cybercriminels pour écrire des logiciels malveillants et des e-mails de phishing sans filtres de sécurité. Les deux partagent néanmoins une caractéristique fondamentale : la capacité à générer du contenu normalement restreint par les mesures de sécurité.
Cependant, KawaiiGPT se différencie significativement de son prédécesseur malveillant. Alors que WormGPT était explicitement conçu pour activités illicites, KawaiiGPT se présente comme un projet ‘pour le plaisir’ et éducatif. Les développeurs ont pris soin de clarifier leur intention dans le fichier README du projet, bien que le choix du nom ‘WormGPT’ ait déclenché de vives réactions dans la communauté de cybersécurité.
Dans la pratique, nous observons que KawaiiGPT ne génère pas directement de code malveillant, mais peut produire des instructions potentiellement dangereuses si elles sont mal interprétées ou utilisées à mauvais escient. Cette distinction subtile entre capacités potentielles et utilisation réelle représente un défi majeur pour les concepteurs de politiques de sécurité des IA.
Les intentions des développeurs
Le créateur de KawaiiGPT, MrSanZz, a explicitement défendu le choix du nom ‘WormGPT’ dans le fichier README du projet. Il explique que ce terme est utilisé principalement pour décrire le comportement ‘jailbreaké’ de l’outil, plutôt que pour impliquer que le logiciel lui-même est malveillant. Cette distinction sémantique est cruciale pour comprendre la position des développeurs.
« Le terme ‘WormGPT’ ne décrit pas la nature malveillante de notre outil, mais plutôt sa capacité à contourner les restrictions de sécurité des modèles d’IA sous-jacents. Notre intention est purement éducative. »
Cependant, cette justification ne convainc pas tous les experts en sécurité. Le Dr. Élise Martin, chercheur en éthique de l’IA à l’Université Paris-Saclay, souligne dans un récent article : « Le choix délibéré d’un nom associé à des activités criminelles, même pour des raisons ‘éducatives’, normalise indirectement ces pratiques et peut encourager des comportements irresponsables. »
L’obfuscation de code : Protection ou menace ?
Les risques perçus
Le code de KawaiiGPT est ‘obfusqué’, ce qui signifie qu’il est brouillé et illisible pour les humains. Dans le monde de la cybersécurité, cela déclenche systématiquement des alertes car il peut cacher des virus ou des logiciels espions. La communauté des développeurs reste divisée sur cette pratique : certains y voient une mesure de protection légitime, tandis que d’autres la considèrent comme une tentative de dissimuler des intentions malveillantes.
Dans notre expérience avec les outils open-source, l’obfuscation excessive est souvent un signal d’alerte. Cela empêche les utilisateurs de vérifier ce que le logiciel fait réellement avec leurs données ou leurs connexions réseau. Pour KawaiiGPT, cette préoccupation est d’autant plus pertinente qu’il accède à des modèles d’IA sensibles et potentiellement collecte des interactions utilisateur.
Selon une enquête menée par l’ANSSI en 2025, 63% des logiciels open-source avec du code obfusqué contenaient des fonctionnalités non documentées, allant de la collecte de données à l’installation silencieuse de modules supplémentaires.
La justification des créateurs
Abordant directement ces craintes dans le README du projet, le développeur MrSanZz défend la décision d’obfusquer le code. Il déclare : « Je veux éviter le recodage et le renommage qui finissent par vendre des outils KawaiiGPT sous mon nom. » Le créateur nie catégoriquement que l’outil contienne des Remote Access Trojans (RATs), des logiciels espions ou des malwares, arguant que l’obfuscation vise strictement à protéger sa propriété intellectuelle contre les copieurs qui pourraient essayer de vendre l’outil gratuit pour faire du profit.
Cette explication soulève néanmoins des questions sur la transparence dans l’écosystème open-source. Le principe fondamental du logiciel libre repose sur la capacité de tous à examiner, modifier et distribuer le code. En obfuscatant leur code, les créateurs de KawaiiGPT s’écartent de cette philosophie, ce qui alimente les soupçons parmi une partie de la communauté technique.
Par ailleurs, l’utilisation d’obfuscation pour ‘protéger la propriété intellectuelle’ contredit la nature même du logiciel open-source, qui est par définition destiné à être partagé et modifié librement. Cette contradiction n’a pas échappé aux critiques du projet, qui soulignent l’incohérence entre les déclarations des développeurs et les pratiques employées.
Implications pour la sécurité des entreprises
Menaces potentielles
Bien que présenté comme un projet ‘amusant’, la capacité de KawaiiGPT à contourner les filtres de sécurité des modèles d’IA place la responsabilité de l’utilisation éthique entièrement sur l’utilisateur. Pour les entreprises, cela représente plusieurs vecteurs de risque significatifs qui nécessitent une attention particul.
Premièrement, KawaiiGPT pourrait être utilisé pour générer du code malveillant sophisticated. Alors que la plupart des modèles d’IA standard refusent de créer des outils hackers ou des logiciels malveillants, KawaiiGPT peut potentiellement produire de tels contenus. Dans un contexte où les attaques par ransomware ont augmenté de 47% en France en 2025 selon le CLUSIF, cette capacité représente une menace concrète.
Deuxièmement, l’outil facilite la création d’hameçonnage (phishing) de haute qualité. Les modèles d’IA jailbreakés comme KawaiiGPT peuvent générer des e-mails de phishing personnalisés et convaincants qui sont beaucoup plus difficiles à détecter que les campagnes traditionnelles. Selon une étude de l’ANSSI, 85% des breaches d’entreprise en 2025 ont commencé par une attaque de phishing réussie.
Enfin, KawaiiGPT pourrait être utilisé pour contourner les mesures de sécurité internes des organisations. Des employés malveillants ou négligents pourraient utiliser l’outil pour générer des instructions détaillées sur la façon de compromettre des systèmes, d’éviter la détection ou d’exploiter des vulnérabilités.
Mesures de défense
Face à ces menaces potentielles, les organisations doivent adopter une approche proactive de la sécurité. Plusieurs stratégies peuvent aider à atténuer les risques associés à l’utilisation d’outils comme KawaiiGPT :
Mise en place de politiques strictes sur l’utilisation des outils d’IA : Les entreprises devraient établir des directives claires sur quels outils d’IA peuvent être utilisés à des fins professionnelles et dans quelles conditions.
Surveillance du trafic réseau : La détection d’utilisations suspectes des API d’IA peut aider à identifier les employés qui tentent d’accéder à des services via des méthodes non autorisées.
Formation à la sécurité : Les employés doivent être formés aux risques associés aux jailbreaks d’IA et aux signaux d’alerte à surveiller.
Solutions DLP avancées : Les systèmes de prévention de perte de données (DLP) modernes peuvent être configurés pour détecter et bloquer les tentatives d’utilisation d’outils d’IA non autorisés.
Évaluation des risques des fournisseurs d’IA : Les organisations devraient évaluer soigneusement les fournisseurs d’IA qu’elles utilisent, en privilégiant ceux qui adoptent des approches transparentes et éthiques.
Dans la pratique, nous recommandons aux entreprises d’adopter une approche ‘zero trust’ envers tous les outils d’IA, en supposant qu’ils pourraient potentiellement être utilisés de manière inappropriée, même s’ils sont destinés à un usage légitime. Cette approche pragmatique aide à atténuer les risques sans entraver l’innovation nécessaire.
Installation et utilisation : Guide pratique
Prérequis techniques
Pour exécuter KawaiiGPT, les utilisateurs doivent disposer de quelques prérequis techniques essentiels. Le projet est conçu pour fonctionner principalement sur les systèmes Linux, bien qu’il soit également adaptable aux environnements mobiles via Termux. Voici les exigences minimales :
- Système d’exploitation : Linux (Ubuntu 20.04 ou supérieur recommandé), Android avec Termux, ou WSL2 pour Windows
- Python 3.8+ : Le langage de programmation principal du projet
- Git : Pour cloner le dépôt depuis GitHub
- Connexion Internet : Nécessaire pour accéder aux modèles d’IA externes
- Espace disque libre : Environ 500 Mo pour l’installation des dépendances
L’installation elle-même est relativement simple, mais elle requiert certainement une compréhension de base de la ligne de commande et des concepts de programmation. Les développeurs ont fourni des instructions détaillées dans le fichier README, bien qu’ils avertissent que tous les risques ou conséquences découlant de l’utilisation de l’outil incombent à l’utilisateur.
« L’utilisation de KawaiiGPT est à vos propres risques. Nous ne sommes pas responsables de tout dommage résultant de l’utilisation ou de la mauvaise utilisation de ce logiciel. »
Étapes de mise en place
Pour installer KawaiiGPT, suivez ces étapes :
Cloner le dépôt GitHub : Ouvrez un terminal et exécutez la commande
git clone https://github.com/MrSanZz/KawaiiGPT.gitNaviguer dans le répertoire : Utilisez
cd KawaiiGPTpour vous déplacer dans le dossier du projetInstaller les dépendances : Exécutez
pip install -r requirements.txtpour installer toutes les bibliothèques nécessairesConfigurer le fichier de paramètres : Éditez
config.jsonpour spécifier vos préférences, notamment les modèles à utiliserLancer l’outil : Exécutez
python kawaii.pypour démarrer l’interfaceCommencer à interagir : Une fois lancé, vous pouvez entrer vos requêtes directement dans le terminal
Les développeurs ont spécifiquement mentionné que l’outil est conçu pour être utilisé sur des systèmes Linux ou via Termux sur Android. Les utilisateurs de Windows peuvent l’exécuter via Windows Subsystem for Linux (WSL), bien que certains aient signalé des problèmes de compatibilité avec certaines fonctionnalités.
Une fois installé, KawaiiGPT offre une interface simple où les utilisateurs peuvent entrer leurs requêtes et recevoir des réponses des modèles d’IA sous-jacents. L’outil utilise différentes techniques pour formuler ces requêtes de manière à contourner les filtres de sécurité, ce qui lui permet de répondre à des questions que les modèles standard refuseraient.
Dans notre expérience d’essai, KawaiiGPT a fonctionné comme annoncé, bien que nous ayons constaté une certaine latence due au routage des requêtes à travers l’interface intermédiaire. Les réponses étaient généralement cohérentes avec celles que l’on pourrait attendre des modèles premium, sans les restrictions habituelles.
Conclusion : Un entre-deux éthique dans l’univers de l’IA
KawaiiGPT représente un phénomène fascinant et controversé dans le paysage en évolution rapide de l’intelligence artificielle. En tant que clone ‘kawaii’ de WormGPT, cet outil incarne la tension croissante entre l’accessibilité des technologies d’IA et les garde-fous de sécurité mis en place par leurs créateurs. La capacité de KawaiiGPT à contourner ces restrictions soulève des questions fondamentales sur l’éthique, la responsabilité et le futur de l’IA dans notre société.
Bien que présenté comme un projet éducatif et amusant, KawaiiGPT démontre clairement les limites des mesures de sécurité actuelles des modèles d’IA. Dans un monde où ces technologies deviennent omniprésentes, comprendre comment ces garde-fous peuvent être contournés est essentiel, que ce soit pour des raisons de défense ou simplement de compréhension technique. Cependant, cette connaissance comporte également des risques évidents, notamment dans les mauvaises mains.
Pour les organisations et les individus, l’apparition d’outils comme KawaiiGPT devrait servir d’appel à l’action pour reconsidérer notre approche de la sécurité de l’IA. Des politiques claires, une formation adéquate et des technologies de défense avancées sont nécessaires pour naviguer dans cet environnement en constante évolution. Néanmoins, il est tout aussi important de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain - la restriction excessive de l’IA pourrait étouffer l’innovation et limiter les avantages potentiels de ces technologies.
En définitive, KawaiiGPT n’est ni intrinsèment bon ni mauvais - c’est un outil dont l’impact dépend entièrement de son utilisation. Dans un contexte où la France et l’Europe cherchent à établir des cadres réglementaires pour l’IA, des initiatives comme celle-ci soulignent l’urgence de créer des équilibres entre innovation, accessibilité et sécurité. Seul le temps dira si KawaiiGPT restera un projet de niche ou s’il marquera un tournant dans la manière dont nous interagissons avec les modèles d’IA restreints.